Interview de Yolaine de la Bigne, aujourd’hui conseillère scientifique de Planète Altruiste.
Elle est également fondatrice de l’association « L’animal et l’Homme », créatrice de l’Université d’été de l’intelligence animale et de « la Journée Mondiale de l’intelligence animale ».
Planète Altruiste :
Quand avez-vous pris conscience que les animaux ont une intelligence propre à eux ?
Yolaine de la Bigne:
Lorsque je m’occupais de Néoplanète (site, magazine et web radio sur la protection de la planète et que j’interviewais des experts sur la 6ème extinction, ils me répondaient souvent que l’homme disparaitrait avant l’animal car ce dernier a gardé une intelligence écologique et une adaptabilité que l’homme perdu depuis longtemps.
En devenant un animal abstrait à l’intelligence complexe, l’homme est progressivement « hors sol ». J’ai commencé à m’intéresser à cette intelligence et j’ai découvert un domaine de recherche incroyablement riche et prometteur. L’éthologie qui est une science nouvelle publie aujourd’hui toutes sortes de travaux qui révolutionnent notre pensée et remet en question des siècles d’idées préconçues et d’obscurantisme.
Comment expliquer cette intelligence ?
Elle ne s’explique pas. Elle est !
Darwin l’avait déjà dit, sans être compris à cause de préjugés religieux notamment:
partout où il y a de la vie, il y a de l’intelligence.
Mais chaque animal a l’intelligence qui lui est utile. Une fourmi ne sait pas aller sur un ordinateur mais elle sait s’orienter partout et c’est grâce à elle que nos ingénieurs ont créé les GPS. Nous sommes en train de découvrir que certains animaux nous surpassent dans de nombreux domaines ce qui nous fait redescendre de notre piédestal et nous ouvre des horizons de pensées.
Les animaux peuvent-ils être altruistes ?
C’est aussi une des révélations modernes. Une fois de plus, Darwin l’avait dit mais on n’avait pas voulu le comprendre: dans la nature il y a de la concurrence mais aussi de la coopération. Sans coopération, on meurt ! C’est une des belles leçons que nous apprend l’éthologie. Certaines images et études nous démontrent même l’incroyable altruisme qui existe chez les animaux non seulement entre eux mais entre espèces différentes: groupes protégeant l’un des leurs contre un prédateur, mère nourrissant un petit abandonné, amitié entre espèces différentes… les exemples sont très nombreux qui prouvent que l’altruisme peut exister chez de nombreux animaux et qu’il fait intégralement partie de la vie.
Que pensez-vous de la manière dont les êtres humains traitent les espèces animales, comment changer notre façon de regarder les animaux et la nature ?
C’est un drame. L’homme a toujours méprisé les animaux pour mieux les asservir et les exploiter comme il l’a fait avec les esclaves. Il faut en finir avec le mythe du gentil paysan qui aimait les bêtes avant de les tuer. A part quelques exceptions, l’animal a généralement été une victime et même quand on l’aimait c’était souvent pour servir nos intérêt tels les chiens de chasse ou les chevaux de concours.
Mais aujourd’hui, l’industrialisation a rendu la situation plus grave. Quand on sait que rien que pour l’alimentation, on tue 17 milliards d’animaux par an dans le monde et 5000 toutes les 10 secondes en France, cela donne le tournis ! Le tout dans des conditions dénués de tout humanisme, c’est la honte ! Sans parler de tout le reste, les crimes du plaisir: corrida, combats d’animaux, chasse à courre, fermes à fourrure…. l’animal est la grande victime de la modernité. Sans oublier le pillage de la nature et la 6ème extinction.
Comment changer les choses?
En se battant sur tous les fronts ! En signant des pétitions, en participant à des rassemblements, en ne parlant autour de soi, en devenant végétarien ou fléxitarien etc Heureusement, la nouvelle génération est très intolérante à la souffrance et les découvertes biologiques et éthologiques changent les mentalités. L’animal devient un sujet politique même si nos dirigeants ne l’ont pas encore compris. Ça bouge partout. De même que l’esclavage ou le traitement des femmes ont évolué ces dernières années (même s’il y a encore beaucoup à faire), la protection de l’animal est un des combats majeurs de notre époque. Car l’homme doit comprendre que sans l’animal et la biodiversité, il ne pourra pas vivre. C’est une question de survie. L’homme sera plus altruiste ou ne sera pas.
Propos de Yolaine de la Bigne recueillis par Nathalie Tschiember